Les soldes flottants ou soldes de printemps

Revue de Presse

Enquête
Les bonnes affaires des soldes flottants

Les soldes de printemps fleurissent dans toute la France. C’est le moment de faire de très bonnes affaires. Après une baisse de la consommation de 2 % en février, les commerçants espèrent un regain d’activité.

« Top départ », « Soldes express »… Les offres alléchantes s’affichent sur les vitrines et les panneaux publicitaires. Avec la nouvelle législation sur les soldes, le printemps est aussi la saison de la chasse aux bonnes affaires. Depuis le 1er janvier 2009, suite à la loi de modernisation de l’économie (LME), les commerçants peuvent désormais organiser deux semaines de soldes en plus des périodes traditionnelles d’hiver et d’été. Dans un contexte économique morose, marqué par une baisse de la consommation de 2 % en février, les enseignes profitent de ce début de printemps pour se lancer dans la course aux bas prix.
« Achats de nécessité »
Chez Kiabi, la première semaine de ces « soldes flottants », comme on les appelle, annonce des résultats déjà très positifs, les rabais allant jusqu’à 80 %. « Sur nos 187 magasins, atteste François Haimez, directeur des enseignes de l’ouest de la France, nous connaissons une croissance à deux chiffres. Nous sommes super-satisfaits. » Même la grande distribution s’y est mise. Ainsi Auchan mise sur une semaine de remises, jusqu’au 31 mars, pour attirer de nouveaux clients. « Ces soldes printaniers correspondent à des achats de nécessité plutôt que de plaisir, analyse Pascale Hébel, directrice du département consommation du Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie). Les enseignes utilisent ces jours-ci un positionnement judicieux, entre les saisons d’hiver et d’été. Au risque d’ailleurs de casser, par avance, les soldes estivaux traditionnels ».
« Le problème reste le porte-monnaie »
Du côté des petits commerçants indépendants, la libéralisation des soldes est cependant accueillie avec méfiance. « Les grandes enseignes prévoient le coup en augmentant les prix avant, pour finalement vendre au prix normal, nous explique Monique Elingk, de la fédération des commerçants de Troyes (Aube). Dans les petits magasins, les marges peuvent s’effondrer, jusqu’à des ventes à perte. » Difficile en effet de s’aligner face aux grandes chaînes qui compensent la baisse des prix par des quantités vendues considérables. En réaction, certains « petits » ne joueront pas le jeu des soldes libres. La FNH (Fédération nationale de l’habillement), très critique face à la nouvelle loi, juge « paradoxaux » ces soldes intermédiaires : « Certes, cet événement contribue à dynamiser le marché, nous explique Frédéric Willems, responsable juridique de la FNH, mais le fond du problème reste le porte-monnaie du consommateur. Le contexte actuel pousse davantage à la rationalisation des achats. »


“Face aux grandes enseignes, on ne fait pas le poids”
« Ces deux semaines flottantes n’ont aucun intérêt. » Frédéric Chekroun, la cinquantaine, propriétaire d’un petit magasin de prêt-à-porter féminin à La Rochelle (Charente-Maritime), est exaspéré. « Il y a un mois, on terminait les soldes d’hiver. Et là, nous avons à peine le temps d’installer la nouvelle collection qu’il faut déjà faire des soldes. C’est n’importe quoi ! s’énerve le commerçant. A côté de ma boutique, deux magasins proposent des réductions qui vont jusqu’à 70 %… Comment voulez-vous que le consommateur s’y retrouve ? »
« Il y en a toute l’année »
Gérant de la boutique Astuce depuis vingt ans, Frédéric Chekroun pense que cette nouvelle législation désavantage les commerçants indépendants. « Face aux grandes enseignes, on ne fait pas le poids. Ils ont de quoi prévoir de grosses campagnes de publicité, donc attirer un maximum de monde. Il est impossible, de notre côté, d’avoir une si grande visibilité. Du coup, les clients s’imaginent que si nous reprogrammons des soldes entre les périodes d’hiver et d’été, c’est que nos magasins ne fonctionnent pas. On assiste à une banalisation des soldes. »
Frédéric Chekroun redoute également que ces deux semaines flottantes se répercutent sur son chiffre d’affaires. « Les soldes de l’hiver dernier ont été un succès. En ajoutant ces deux semaines, les gens n’attendront plus les soldes pour acheter, puisque maintenant, il y en a toute l’année. Cela ne relancera donc pas la consommation », analyse-t-il. Comme de nombreux commerçants de La Rochelle, ce « petit » commerçant ne sait pas encore s’il utilisera cette fameuse quinzaine. « Nous allons nous réunir avec notre fédération. Si nous décidons d’utiliser ces quinze jours de rabais, nous formerons une alliance. Et on se fixera sur les mêmes dates afin d’avoir une meilleure visibilité », conclut-il, en ardent défenseur de la « paroisse » des petits commerçants.
Maïram Guissé et Thomas Saintourens

Revue de Presse du 28 mars 2009 - Source : France Soir